Note de l’auteur : La critique suivante risque de contenir des spoilers. Ne pas lire si vous n’avez pas encore vu Logan.
À la fin de la séance, j’étais mitigé. J’avais envie d’aimer davantage ce film, de dire qu’il s’agissait effectivement du meilleur X-Men. Oui, il est mieux qu’Apocalypse et les deux premiers Wolverine. Mais je me pose une question : ce nouvel opus est-il indispensable à la franchise ? En soi, Logan avait le potentiel pour être un très bon film. Or, quand ce dernier est plus ou moins une sorte de redite de Le Combat de l’Immortel, ça me laisse un goût amer.
Une saga irrégulière à l’origine
J’aborde alors le majeur défaut de la saga X-Men : le fait qu’elle soit inégale, ce qui crée ainsi de nombreuses incohérences quant à son histoire en général. Néanmoins, vu que Days of Future Past avait « annulé » tout ce qui avait eu lieu précédemment, les films à venir ne pouvaient donc être que cohérents. Si Apocalypse arrive à l’être (malgré les défauts qu’on lui trouve), c’est différent pour Logan. Et je me rends compte que je ne suis pas entièrement satisfait. Je ne parle pas forcément des questions laissées sans réponse bien que, au bout de neuf films, ça commence à bien faire. Je parle du fait qu’on nous « impose » une nouvelle temporalité, suite à l’épisode sorti en 2014. Et du fait que Logan n’en tienne pas totalement compte. Certes, je sais qu’il est le seul mutant à se souvenir de l’ancienne temporalité, mais quand même ! Ajoutons à cela la présence du sabre qui nous rappelle son escapade au Japon. D’accord, c’est du « fan service » et un détail infime. Mais quelle en était l’utilité, après tout ? Au contraire, il faut assumer l’idée que ce nouvel opus soit « à part ».
Pour en revenir au film Logan, c’est un bon film à mes yeux. Ni oubliable, ni grandiose. Je dois vous dire que j’en attendais énormément. D’une part, les critiques américaines étaient dithyrambiques. D’autre part, sachant qu’Hugh Jackman et Patrick Stewart avaient déclaré ne plus vouloir prendre part à la X-Men Marvel Cinematic Universe, mon sentiment d’excitation ne pouvait donc qu’être à son paroxysme. Pourtant, je ne suis pas forcément branché super-héros, exceptions mises à part. Or, j’avais su apprécier les aventures de Wolverine et compagnie, après les avoir découvertes il y a quelques années. J’ai ainsi continué à suivre cette franchise sur grand écran, en tenant compte de ses imperfections. Concernant Logan, ses qualités sont indéniables, comme le sont ses défauts.
Un réalisme qui ne demandait qu’à éclore
Là où le reste de la saga a toujours su assumer son côté fantastique, ce dernier film est vraiment ancré dans la réalité, tout en étant plus sombre et plus sanglant. Sur ce point-ci, je m’attendais à ce que ce soit beaucoup plus gore. Certes, on ne lésine pas sur les têtes tranchées ou les griffes plantés en plein visage de l’ennemi, mais disons que ça reste « gentillet », le réalisateur se contentant de nous montrer le « minimum ». En même temps, ça reste un film axé « grand public », et ce, même s’il est interdit aux moins de douze ans en France et aux moins de dix-sept ans aux États-Unis. Cependant, mettre autant en avant la violence dans un film comme celui-là, il faut avouer que c’est culotté. En passant, cela annoncerait-il un renouveau dans la X-Men Marvel Cinematic Universe ? Si c’est le but de Marvel et de la Fox, je dis oui ! Car là, ça y est : les producteurs se lâchent, sur ce plan-là ! On est donc loin d’Apocalypse, qui était trop aseptisé dans son fond et sa forme. Bon, James Mangold n’a pas pu « s’empêcher » d’écrire un scénario hollywoodien dans l’ensemble, mais Logan a le mérite de se différencier sur cet aspect-là.
C’est pour cela que j’ai adoré la première partie du long-métrage. Je sais qu’on nous a déjà montrés par le passé que Wolverine n’a jamais pu accepter sa condition de mutant immortel. En passant, les premiers films avaient su lui donner une profondeur interne, qui faisait que le personnage se cherchait sans cesse. Puis, il y a eu les spin-off et, avec le recul, ceux-ci n’étaient pas vraiment dispensables. Par ailleurs, si Logan avait été l’unique film centré sur Wolverine, je n’aurais pas eu de mal à le trouver très bon. Je me serais alors plu à découvrir un mutant blessé et fatigué par son immortalité (elle-même imposée par la nature), soit un homme qui cherche simplement à vivre en paix. Cela dit, il est vrai que le film s’essouffle durant sa dernière partie, tout en se répétant dans sa mise en scène et dans son scénario (ce dernier étant très attendu dans son dénouement).
Des personnages profondément humains
Le Professeur X nous apparaît sous un nouveau jour. On l’a connu enjoué et prêt à faire avancer la science. On le considérait comme un père spirituel pour les âmes égarées. On l’a également vu avec un verre à la main. Aujourd’hui, on le retrouve en fin de vie, à la fois lucide et abîmé par les décennies. Il lâche même des insultes à tout-va, c’est dire. Une évolution psychologique surprenante, concernant ce personnage qu’on a appris à aimer et auquel il a fallu faire nos adieux.
En parallèle, on fait la connaissance de Laura (ou X-23). Je vais être honnête avec vous : je n’attendais pas ce nouveau film uniquement pour son personnage-titre. Je l’attendais pareillement pour découvrir cette jeune mutante, dont l’aura de mystère l’entourant nous donne envie s’en savoir plus à son sujet. Elle s’impose alors à l’écran grâce à son charisme naturel. On perçoit également le lien qui l’unit à son père biologique, tant ils sont semblables dans leurs agissements, ainsi que dans leur manière de ressentir les choses. Tous deux ont été malmenés par la vie et par l’organisation Essex Corp, qui n’a fait que les traiter en tant qu’objets (et non en tant qu’êtres humains).
Les antagonistes sont menés d’une main de fer par Donald Pierce (formidable Boyd Holbrook), homme-cyborg qu’on adore détester. Je pourrais aussi vous parler de X-24 (le Némésis de Wolverine), mais ce n’est pas un personnage intéressant pour moi (hormis pour une scène, dont je vous parle plus bas).
Par conséquent, James Mangold réussit le pari de proposer une palette variée de personnages, qui ont tous des motivations propres (bonnes ou mauvaises).
Un film aux multiples facettes
La réalisation et la mise en scène sont audacieuses, notamment durant la première partie de Logan. Le choix des paysages y est clairement pour quelque chose. Logan et Charles-Xavier évoluent ainsi au sein d’un paysage aride et désert, à l’image de leurs existences respectives (dont ils n’attendent plus rien). C’est pour cette raison qu’une incursion est faite dans le genre du western et celui du slasher.
En effet, il y a des scènes de course-poursuite, comme dans le récent et génial Comancheria. Tandis que d’autres lorgnent vers le film d’horreur, où une innocente famille américaine est violemment massacrée par X-24 (cette scène est géniale, au passage). On évolue ensuite progressivement dans un univers vert sauvage, qui n’est autre que la forêt où on a vu Wolverine affronter ses démons au fil des années. Enfin, la bande-son composée par Marco Beltrami finit de nous plonger dans l’ambiance noire instaurée par Logan.
Des imperfections visibles
Logan reste classique dans le fond de son scénario, notamment dans la manière de dépeindre ses personnages. J’ai bel et bien dit plus haut que les protagonistes comme les antagonistes avaient chacun une certaine profondeur. Mais le cliché « des gentils contre les méchants » persiste encore et toujours, et ce, essentiellement pendant la bataille finale. Alors que le reste du film avait justement tenté d’aller dans la direction opposée. Comme quoi, on a beau décrire Logan comme étant différent des précédents X-Men, il finit par revenir immanquablement au manichéisme instauré par Bryan Singer dans le premier opus.
On sent pareillement que le réalisateur a voulu trop en faire, durant le dernier tiers. On sait que Laura et son père sont violents dans l’âme, c’est ce qui les définit (en partie). Or là, on ne ressent plus cette ambivalence qui les caractérise. La profondeur laisse alors place au cliché hollywoodien bête et méchant, avec une fin qui apparaît comme étant bâclée et échoue donc à émouvoir (en ce qui me concerne, en tout cas).
Le problème vient principalement du fait que le scénario de Logan est calqué sur celui de The Wolverine. Dans ce dernier, le mutant vivait reclus dans la forêt et se laissait aller à son désespoir. Ici, c’est pareil. D’où ce manque de renouveau que l’on ressent, malgré l’aura symbolique que ce film est supposé avoir. Je vais donc redire ce que j’ai écrit plus haut : si X-Men Origins et Le Combat de l’Immortel n’existaient pas, Logan pourrait amplement se suffire à lui-même. Mais ce n’est pas le cas et, du coup, on sent que la franchise X-Men s’essouffle.
Une histoire incomplète, pour une saga incomplète
Des questions sans réponse subsistent. Certes, je suis passé à côté de certains éléments de l’intrigue (qui sont difficiles à remarquer à l’œil nu, néanmoins). Et il n’est plus nécessaire de présenter Wolverine et Charles-Xavier. Or, je reste sur ma faim. J’ai beaucoup d’interrogations. Pourquoi les mutants ont-ils disparu ? Pourquoi le Professeur X finit-il par perdre la raison et qu’a-t-il fait pour s’en vouloir à ce point ? Pourquoi Logan veut-il en finir ? C’est là que des flashbacks auraient apporté un plus non négligeable à l’histoire et à la mythologie générale.
Et que dire des incohérences, que les producteurs aiment tant faire perdurer ? Alors que Days of Future Past était censé donner un nouveau départ à la saga, il semblerait que Logan déconstruise cette nouvelle temporalité, dont fait d’ailleurs partie Apocalypse. À mon avis, le mieux n’est plus d’attendre aucune logique de la part de la Fox et de Marvel, à ce niveau-là.
Conclusion
Que dire de positif à propos de Logan ?
- L’univers est sombre et ancré dans la réalité. Et j’espère qu’il saura perdurer dans l’univers X-Men.
- Les acteurs sont en pleine forme, en particulier Patrick Stewart, la jeune Dafne Keen et Boyd Holbrook. Hugh Jackman est fidèle à lui-même, mais s’en tire avec les honneurs.
- Les différentes relations fonctionnent bien : Logan/Laura, Laura/Professeur X et Logan/Professeur X.
- Les genres du western et de l’horreur s’intègrent très bien à l’ensemble.
- Le sentiment de nostalgie est là, mais pas suffisamment pour qu’on soit ému durant la dernière partie.
Je retiens également du négatif :
- La fin est trop expéditive et lorgne inévitablement vers le cliché hollywoodien.
- Les personnages sont finalement trop manichéens (notamment les antagonistes).
- La deuxième heure est plus molle, bien qu’elle soit nécessaire au développement psychologique des protagonistes.
- Le scénario est prévisible concernant ses deux héros mythiques.
J’ai ainsi autant de choses à redire sur Logan que d’éloges à lui faire. La prise de risque est bel et bien à saluer. Mais la facilité scénaristique est encore présente. Je dirais également que le film de James Mangold est une sorte de transition entre l’avant et l’après X-Men. Selon moi, il faut le voir comme ça. Ou vous pourriez être déçu, comme c’est plus ou moins mon cas. En revanche, si vous êtes fan, vous aimerez ce film à coup sûr.