Note de l’auteur : Cet article pourrait vous spoiler l’intrigue du film. Ne pas lire si vous ne l’avez pas encore vu !
ENFIN, je l’ai vu ! Finalement, Grave de Julia Ducournau est bien loin du film « d’horreur » éprouvant – voire dégueulasse – qu’on nous vend depuis des mois. J’ai lu que la réalisatrice elle-même regrettait que la campagne marketing se soit focalisée sur cet aspect-là, et non sur l’ensemble de son œuvre. Honnêtement, je pense que si la bande-annonce de Grave n’avait pas autant dévoilé ses scènes éprouvantes, j’aurais été davantage surpris durant mon visionnage. Or, ça n’a pas été le cas.
Avant-propos : le cinéma de genre en France !
Comme beaucoup, je suis ravi de voir qu’on peut encore produire et réaliser des films de genre dans notre pays. Il y avait déjà eu Personal Shopper d’Olivier Assayas en décembre dernier et maintenant Grave. En plus, celui-ci a été réalisé par une femme, ce qui est encore plus incroyable ! Bon, il faut savoir que Julia Ducournau sort de La Femis, qui est l’école de cinéma française la plus réputée. Elle n’est donc pas novice à ce sujet !
Rassurez-vous : je prends toujours autant de plaisir à aller voir des films français. Mais cela fait aussi du bien de découvrir des long-métrages qui « sortent de l’ordinaire » ! En deux mots : merci Julia !
Mon avis global !
Pour en revenir à Grave, j’ai globalement aimé. Je pense qu’il y a beaucoup d’arguments en sa faveur comme certains autres arguments en sa défaveur. En y repensant, je me rends compte que j’en attendais beaucoup trop. La faute à la bande-annonce, d’une part, et la faute aussi à cette fausse réputation que le film a depuis l’« épisode Toronto ». Pour ma part, Grave est loin d’être aussi éprouvant et traumatisant. En effet, j’ai vu bien pire. Il est vrai que Grave n’est pas assez sanglant à mon goût. Or, avec du recul, Julia Ducournau fait de l’horreur un argument qui vient soutenir son double propos initial : le passage à l’âge adulte et la féminité.
Car le film relate avant tout le parcours initiatique d’une jeune fille en fleur, qui va progressivement découvrir sa sexualité à travers le cannibalisme. Pour moi, le thème en question est avant tout une métaphore des premiers émois sexuels et amoureux qui vont tourmenter Justine. D’ailleurs, c’est « marrant » car cette dernière est le cliché type de la petite vierge effarouchée et bien sous tous rapports. Cela dit, la réalisatrice ne nous le montre pas de cette manière, ce qui fait qu’on n’éprouve aucun mal à s’identifier à l’héroïne et à ressentir ce qui la tourmente… comme ce qu’elle désire.
En ce qui me concerne, j’étais à la fois révulsé et fasciné par ce que je voyais à l’écran. Une fois le film terminé, j’avais même faim !… Le lendemain, à table, j’étais à la fois dégoûté et affamé !… Donc, « à défaut » de m’avoir donné envie de vomir, Grave m’a mis mal à l’aise sans que je ne le sache. Il m’a également beaucoup marqué, puisque j’y repensais encore après l’avoir vu.
Ce que j’ai aimé !
Ce qui m’a plu dans Grave est le traitement du personnage de Justine et la relation qu’elle entretient avec sa grande sœur (Ella Rumpf). En passant, Garance Marillier livre là une belle performance, tant elle a une présence incroyable à l’écran (le César du Meilleur Espoir devrait lui revenir de droit en 2018). J’ai ainsi trouvé que Justine et Alexia étaient très complices, tout en entretenant une sorte de rivalité qui oblige l’une à se soumettre à l’autre. Et pas celle que l’on croit ! Quant à Justine, elle passe par les mêmes états émotionnels et physiques que n’importe quel adolescent qui voit opérer des changements brutaux au sein de son corps.
Par conséquent, la mise en scène est originale et osée, puisqu’elle met très bien en avant le côté animal du personnage (et celui de sa sœur). Bon d’accord, il y a certaines scènes que j’ai trouvées ridicules, voire tirées par les cheveux. J’ai même ri quand ce n’était pas drôle, c’est dire ! Cependant, quand j’y repense, je riais car j’étais mal à l’aise. Mais je me suis aussi régalé de l’humour quand il était justifié. C’est ce qui est intéressant avec Grave : son ambiance a beau être malsaine, son scénario parvient à distiller des moments plus légers tout du long.
Enfin, le film est très beau. J’en reviens d’ailleurs à ce que je disais dans mon billet sur le court-métrage Junior : pour moi, Julia Ducournau est clairement la jumelle de Sofia Coppola. Comme « son » modèle américain, Julia sait rendre beau et magnifique ce qui ne pourrait jamais l’être en temps normal (cf. les scènes de cannibalisme). Elle sublime des moments « ordinaires » à travers des plans de caméra bien pensés et des couleurs sombres chatoyantes. Et surtout, elle sait filmer ses actrices.
Je reste sur ma faim (sans mauvais jeu de mots)…
C’est pour moi la principale faiblesse de Grave : son scénario. Le film est court (1h38) et c’est dommage ! Bon, je ne reviendrai pas sur le « manque d’audace » des séquences gores, mais plus sur le fond de l’histoire. Je pense effectivement qu’il aurait fallu rallonger l’ensemble de vingt minutes supplémentaire, afin de pouvoir développer davantage les histoires des trois personnages principaux, dont celui d’Adrien. Bien que ce dernier soit le point culminant du « basculement » de Justine, je l’ai trouvé sans saveur. Et le fait qu’il soit gay n’apporte pas grand-chose à l’histoire, selon moi. De plus, je n’ai pas été convaincu par le jeu de l’acteur Rabah Nait Oufella.
L’histoire va, en outre, trop vite. Les scènes s’enchaînent, parfois maladroitement, et le sujet du cannibalisme est assez « survolé ». Mais comme la réalisatrice l’a fait comprendre, ça vient en soutien de l’ensemble. Mon argument s’annule donc. Et puis, ce n’était pas vraiment une bonne idée de situer seulement l’histoire durant la semaine d’intégration des premières années (bien que ça permette de la poser avec son contexte). Là encore, on a l’impression que Justine évolue trop rapidement, alors qu’il aurait été plus judicieux de faire durer l’action durant toute sa première année à l’école de vétérinaires.
Conclusion : une œuvre très féministe dans l’âme !
C’est avec ce dernier sous-titre que je conclurai mon billet sur Grave de Julia Ducournau. Eh oui, messieurs : ce sont mesdames qui dominent la gente masculine dans ce film ! Si on regarde bien, les victimes des deux sœurs ne sont que des hommes. En outre, comment ne pas repenser au plan final du film du long-métrage, qui est accompagné de cette réplique du père de Justine : « Tu verras, tu finiras par trouver une solution ! » Me concernant, je n’en revenais pas de ce que je venais de voir ! On comprend, par ailleurs, pourquoi ils sont tous végétariens dans cette famille !…
J’ai certainement oublié plein d’éléments dans mon article, tant il y a des choses à dire sur Grave ! En tout cas, c’est un film que je vous recommande fortement de regarder. Si vous n’êtes pas (trop) sensibles à ce genre d’histoire, évidemment. De mon côté, je pense que je le reverrai avec plaisir !…