Note de l’auteur : Cet article sera plein de spoilers sur le film. À ne pas lire si vous ne l’avez pas encore vu.
J’allais vous parler de ce « film » un jour ou l’autre et ce jour est arrivé. Bon, je vais m’aligner sur la plupart des avis qu’a récoltés Fifty Shades Darker depuis sa sortie. Cela dit, j’avais tout de même un léger espoir quant à sa qualité probable, après des bandes annonces et des visuels très alléchants. Autant être honnête de suite : je pense qu’on avait tous envie secrètement de voir le deuxième volet de la saga Fifty Shades. Mais voilà, si on n’est pas fan de la franchise littéraire initiée par E.L. James, on n’aimera pas Cinquante Nuances Plus Sombres. Et pas forcément parce qu’on n’est pas le public visé, mais pour d’autres raisons…
Avant-propos : une belle campagne marketing pour pas grand-chose !
Avant de poursuivre, je devrais au moins féliciter les producteurs du film pour la grosse campagne marketing mise en place. Pour le coup, elle a été très bien gérée, tant son contenu faisait saliver d’avance. Les bandes annonces mettaient bien en avant le côté thriller de l’histoire (avec une superbe reprise de Crazy In Love par le chanteur Miguel en fond sonore). Les affiches étaient classes et jouaient judicieusement avec la couleur gris, rappelant ainsi les cinquante nuances de Christian Grey. La bande originale était vraiment bien également, avec des titres interprétés par Taylor Swift & ZAYN, par John Legend, par Halsey ou encore par The-Dream. Donc en fait, l’emballage était attrayant, dans un sens. Sauf que quand on découvre ce qu’il y a à l’intérieur, on n’y trouve rien !
C’est bel et bien le problème de Fifty Shades Darker : le vide intersidéral qu’il dégage dans son ensemble. Dans un sens, je m’y attendais, dans la mesure où j’avais lu le deuxième livre (tout aussi dénué de sens dans son propos). Là où le premier livre et son adaptation sur grand écran avaient tenté de construire une évolution progressive des deux personnages principaux, le deuxième volet (sous ses deux formes) essaie de déconstruire son récit initial, en n’y parvenant jamais.
Je sais que j’ai descendu Fifty Shades of Grey (le film) sur ma page Facebook dernièrement, mais ce dernier est moins pire que sa suite en fin de compte. Je l’avais même défendu à l’époque où il était sorti, car j’avais notamment apprécié certains changements apportés à l’histoire initiale, ainsi que la photographie qui étaient travaillées. Les chansons de Beyoncé, d’Ellie Goulding, de Vault et de The Weeknd fonctionnaient très bien aussi, lorsqu’on les incluait durant les scènes en question. Et je pense que si on avait donné carte blanche à Sam Taylor-Johnson (la réalisatrice) à Kelly Marcel (la scénariste), en permettant à Cinquante Nuances de Grey d’être ce qu’il aurait dû être dès le départ, celui-ci n’en aurait été que meilleur à mon avis. Or, quand on se nomme respectivement Universal et E.L. James, on ne l’entend pas forcément de cette oreille ! La preuve : ils ont viré tout le monde et embauché James Foley pour la réalisation, ainsi que Niall Leonard (le mari de l’auteure) pour écrire le scénario. Je dis ça, je ne dis rien.
Une histoire… Mais quelle histoire ?
La première chose à souligner dans Cinquante Nuances Plus Sombres est son incohérence sur tous les plans. Le « film » réussit l’exploit de dire noir, puis blanc, d’une scène à l’autre (quand ce n’est pas durant la scène même). Je vous donne des exemples ? Allons-y !
- Au début du film, Anastasia demande à Christian de ne pas se précipiter dans leur relation. La seconde d’après, elle lui demande de la baiser salement…
- Un peu plus tard, notre héroïne découvre que son Jules tient un dossier sur elle. Au départ, elle a une réaction logique : elle trouve que leur relation relève plus de la domination que d’une vraie romance. Mais Christian va réussir à l’attendrir en lui demandant de – tenez-vous bien ! – dessiner un contour sur son torse avec du rouge à lèvres !
- Encore plus tard, quand elle voit Christian jouer son rôle de dominant avec Leila, la pauvre Ana se demande si elle pourra continuer à vivre de cette manière. Du coup, après une énième engueulade, Christian s’agenouille et là voilà de nouveau prête à lui pardonner ! À noter que le lendemain, celui-ci va la demander en mariage et que cette dernière acceptera le surlendemain.
Des exemples de ce type, je peux vous en trouver pour chaque scène de Fifty Shades Darker. Ce qui prouve que non seulement le personnage d’Anastasia n’a aucune personnalité, tandis que l’histoire était déjà très mauvaise à la base. Cela démontre aussi qu’aucun des deux protagonistes ont une évolution quelconque : leur intérêt majeur se résume en des scènes de sexe, éparpillées sur deux heures onze. D’ailleurs, toute l’histoire de Fifty Shades n’a qu’un seul but : aller aux scènes en question. Et le sexe dans ce « film » n’a aucun intérêt. Sauf peut-être pour certaines adolescentes et certaines femmes qui cherchent à être émoustillées par du sexe vanille (qui s’apparente à du BDSM, selon E.L. James).
Du remplissage musical à ras bord et une niaiserie textuelle incroyable !
En parlant de la bande originale que je suscitais, elle n’est pas mise en valeur une seule fois ici (sauf exceptions rares). En gros, vu que ça avait bien fonctionné dans le premier volet, les producteurs ont dû se dire : « Allez, on va foutre plein de chansons pop partout, comme ça les gens seront contents ! » Bon, si on regarde Fifty Shades Darker en se disant qu’on aimera les séquences musicales/sexuelles estampillées MTV, ça pourra sans doute fonctionner. Dans mon cas, non. Cela dit, j’étais déjà tellement achevé par l’ensemble qu’entendre le tube I Don’t Wanna Live Forever n’allait certainement pas rehausser mon intérêt (alors que j’adore la chanson).
Le « film » nous offre pareillement des dialogues à mourir de rire, quand ils ne sont pas scandaleux. Je vous fais une liste des plus belles perles ? Allez !
- « Ok, je veux bien dîner avec toi ce soir, parce que j’ai faim ! »
- « Je ne sais pas si j’ai envie de me prosterner à tes pieds, ou bien te fesser… – Je crois que je vais choisir l’option numéro deux, hihihi ! »
- « Tant qu’à baiser, autant baiser avec un mec qui te rendra plus intelligente que plus riche ! »
C’est tout ce dont je me souviens, mais c’est déjà pas mal ! Dans le livre, ça ne volait déjà pas haut, mais à l’écran, ça dépasse l’entendement !
Fifty Shades Darker, un thriller ? Tu parles !
Je peux aussi vous parler des antagonistes, qui sont tous inexistants. Ils sont pourtant au nombre de trois, donc il y avait de quoi faire ! Sans parler d’un autre retournement de situation ridicule, qui finit de démontrer l’absence de véritable enjeu dramatique qui pèserait sur le couple vedette. Et une fois n’est pas coutume, je vais vous lister tout ça !
- Elena Lincoln apparaît au début et à la fin, en disparaissant après qu’on lui ait jeté un verre de champagne à la figure (un « rebondissement » digne d’un mauvais épisode de Les Feux de l’Amour).
- Jack Hyde (le patron d’Ana) tente de violer cette dernière, avant d’être viré illico-presto par M. Grey et de revenir à la fin en mode : « Je me vengerai ! »
- Leila Williams (l’ex-soumise de Christian) suit Ana comme son ombre au début du « film », puis est expédiée en deux-trois mouvements.
- Christian a un accident d’hélicoptère et, cinq minutes plus tard (après que toute sa famille se soit lamentée sur son sort), il apparaît comme par magie. Et bien sûr, ce sera suivi d’une scène de fesses sous la douche et dans la Chambre Rouge de la Douleur (que l’héroïne avait fui à la fin du premier volet, si vous vous rappelez bien).
En passant, qui doit-on blâmer pour avoir mis en scène de telles coquilles vides : les acteurs, le réalisateur et le scénariste ou l’auteure ? Je vais opter pour la dernière réponse, parce que ça se voit vraiment que le reste de l’équipe s’est voilé la face de bout en bout. La réalisation n’a aucun intérêt, bien qu’elle soit propre. La mise en scène n’offre rien de « spectaculaire » à nous mettre sous la dent (sauf pour nous vendre des scènes de cul, qui font moins d’effet qu’une pub de gel douche). Et le casting s’ennuie du début à la fin…
Un casting qui se voile la face…
Concernant les acteurs secondaires (Kim Basinger, Eric Johnson, Marcia Gay Hayden, Eloise Mumford, Rita Ora, Lukes Grimes, Max Martini et Victor Rasuk), ils ont tous une ligne de dialogue ou deux, donc c’est comme s’ils étaient inexistants. Même le gamin au tout début – il joue Christian enfant – n’est pas foutu d’interpréter son rôle correctement. Mais bon, on va l’excuser pour son jeune âge.
Je plains surtout Dakota Johnson et Jamie Dornan, qui doivent porter sur leurs épaules un tel fardeau. Certes, on ressent une toute petite alchimie entre eux par rapport au premier volet, mais ça s’arrête là. Chacun débite son texte, comme si on les avait forcés pour ce faire. Et honnêtement, je ne pense pas qu’ils se détestent tant que ça. Au contraire, je pense surtout qu’ils ont conscience de s’être engagés dans une galère immense et ça se voit qu’ils ont hâte d’en finir avec ça.
Surtout qu’ils sont très talentueux en dehors de la saga Fifty Shades ! La première était très bonne dans A Bigger Splash de Luca Guadagnino et s’en sortait convenablement dans How To Be Single. Le second s’était déjà bien fait remarquer dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola, avant de se montrer exceptionnel en tueur psychopathe séduisant et charismatique dans la série The Fall. Franchement, ça m’énerve, parce que le grand public va avoir une mauvaise image d’eux à l’avenir ! Un peu comme Kristen Stewart et Robert Pattinson à l’époque de Twilight. Ces derniers s’en sont bien sortis, donc j’espère qu’il en sera de même pour Dakota Johnson et pour Jamie Dornan.
Je garde à l’œil Bella Heathcote (Leila), car elle parvient à avoir du charisme à l’écran, en dépit du rôle en carton qu’on lui a servi. Et je pense qu’elle aura une grande carrière à Hollywood, si elle continue à faire les bons choix.
Reste-t-il quelque chose à sauver ?
J’ai noté quelques petits moments sympathiques tout au long de ces deux heures et quelques interminables. Si, si, je vous jure ! Bon, ils ne sont pas nombreux, mais ils valent un léger coup d’œil !…
- À un moment, Christian emmène Anastasia sur un bateau pour la mettre en sécurité (LOL). Le lendemain matin, ils discutent sur le pont du passé de Monsieur et là, j’avoue que j’ai bien aimé cette scène. Les flashbacks en gris sont bien trouvés et parviennent à rendre ce moment presque touchant.
- Dans leur appartement, Ana défie Christian au billard : si elle gagne, ils vont dans la Chambre Rouge ; si elle perd, ce sera à lui de décider. La scène est plutôt bien montée (sans mauvais jeu de mot) et démontre parfaitement ce qu’est Fifty Shades: une saga où l’Homme domine la Femme, quoiqu’elle fasse ou essaie de faire. J’oserais même dire qu’il y a un certain second degré dissimulé durant cette partie de billard.
- Quand Leila débarque pour tuer Anastasia, Christian arrive à temps et la met à genoux, avant de lui caresser gentiment la tête. Là, j’ai pensé : « Ah tiens, il est crédible dans son rôle pour une fois ! » Enfin ça, c’était avant qu’il sorte cette réplique illogique : « Ana, fais ce qu’on te dit pour une fois ! » Sachant que tu n’arrêtes pas de contrôler les moindres faits et gestes de sa vie, c’est ironique que tu lui demandes de t’obéir.
- Enfin, les deux amants baisent sous la douche, sous fond du très bon Not Afraid Anymore d’Halsey. Même chose que précédemment : la scène commence en étant bien montée, puis ils finissent par lâcher le truc. Alors que, personnellement, j’avais éprouvé un petit frémissement en la regardant.
Miracle : la misandrie et la misogynie parviennent à se rencontrer !
Pour finir – je sais que d’autres l’ont fait avant moi, mais tant pis –, j’ai envie de m’adresser aux demoiselles qui fantasment sur ce cher Christian Grey : dites-vous bien que s’il n’était pas beau et riche, vous auriez déjà porté plainte contre lui et il serait alors en prison. De mon côté, j’en ai tellement marre qu’on nous vende des personnages masculins comme étant des mâles dominants, qui n’ont que du muscle et pas de cerveau. Oui, je trouve Jamie Dornan très beau, mais ça ne me suffit pas ici. Tant qu’à faire, autant revoir Passengers avec Chris Pratt, qui joue un homme à la fois attachant, séduisant et imparfait.
De plus, le féminisme a pris une ampleur immense ces dernières années. Je suis le premier à vous bassiner avec ça, tant les films parviennent maintenant à mettre en avant des personnages féminins forts. Il y a vingt ans, on tombait sous le charme de Rose DeWitt Bukater, qui prenait son destin en main pour pouvoir s’émanciper. Pour aller plus loin encore, les princesses Disney ne laissent pas faire non plus et sont actrices de leur destin. Et là, on nous pond une « romance », où l’héroïne semble d’abord vouloir imposer ses règles, avant de céder finalement aux caprices de son homme. La preuve, avec ce petit spoiler du troisième livre (dont l’adaptation sort en février 2018) :
- Anastasia tient à garder son nom de jeune fille, pour séparer sa vie professionnelle de sa vie privée. Christian lui fait alors une crise, en lui sommant d’utiliser le nom de famille Grey au lieu de Steele. Ce qu’elle finit par faire, évidemment.
Le troisième tome, Cinquante Nuances Plus Claires, était moins pire que le précédent à mon sens. Donc j’ose espérer que le troisième et dernier film sera moins daubesque que celui-là. Cela dit, l’épilogue du livre était d’une niaiserie absolue. Le film risque donc de suivre ce chemin-là…
En quelques mots…
Fifty Shades Darker, c’est de la M****.