Elle est mon premier film de Paul Verhoeven. Eh oui ! L’occasion pour moi de découvrir l’univers de ce réalisateur néerlandais, auteur de Basic Instincts, de Robocop, de Total Recall et de Starship Troopers (que je n’ai toujours pas vus, mais je promets de me rattraper !). Un univers qui entraîne des sentiments « controversés » et divergents, quand on suit les (més)aventures de Michèle sur grand écran.
D’emblée, le film et la performance d’Isabelle Huppert m’ont paru froids. Car l’image s’ »ouvre » sur un chat qui regarde passivement la scène de viol que subit sa maîtresse. On rentre alors dans une ambiance malsaine, qui ne cessera de repousser les limites des mises en situations qui seront progressivement développées. Pour dire un mot sur cette scène d’ouverture, je la trouve choquante, dans le sens où l’acte du viol est « banalisé » et présenté comme une prise de conscience chez sa victime. Et c’est justement ce qui va lui permettre de se reconstruire et d’être plus forte qu’avant.
C’est là que j’applaudis l’actrice qu’est Isabelle. Elle a eu beau me rendre dubitatif au départ, je trouve finalement que le rôle lui va bien. Elle joue bien la femme froide et manipulatrice, qui l’est aussi bien avec elle-même qu’avec son entourage, familial comme professionnel. D’ailleurs, il y a une scène qui traduit bien ce sentiment, concernant l’entourage professionnel. Quelque part, quand on voit son comportement, on se dit que c’est bien fait pour elle. Or, au fil du temps, on finit par s’attacher à elle, ses failles la rendant sympathiques en fin de compte. Isabelle Huppert réussit donc le challenge d’incarner un personnage ambigu et trouble, qui a ses bons comme ses mauvais côtés.
Un personnage qui se révèle, en outre, grâce à celles et ceux qui l’entourent. Que ce soit son ex-mari, son fils et sa belle-fille détestable (géniale Alice Isaaz, comme toujours), sa meilleure amie et son amant (à cause duquel, entre autres, elle s’est enlisée dans un mensonge confortable), son voisin énigmatique (Laurent Lafitte, tout en retenue) et ses employés qui la détestent (dont le coupable idéal qu’est Lucas Prisor, aperçu dans Jeune & Jolie de François Ozon). Tous ces rôles secondaires ont leur part d’ambigüité et participent à l’intérêt général qu’Elle suscite.
Pour parler du scénario, je le trouve à la fois intriguant et palpitant, tout en étant pervers dans le fond et la forme. D’un côté, on est pris dans ce jeu du chat et de la souris, entre Michelle et son agresseur. De l’autre, il y a ce malaise qui s’installe en nous, quand on regarde les viols successifs de l’héroïne. De même que ce sentiment qui provoque en nous fascination et répulsion : ce désir, comme le protagoniste principal, d’en savoir plus sur son violeur et de tester nos limites vis-à-vis de lui. Jusqu’à en venir à la résolution de la quête d’identité même de cette femme au passé trouble. Bref, c’est une manière osée et « originale » d’aborder la question de la crise identitaire.
En résumé, Elle est une œuvre cinématographique qui ne laisse pas indifférent et qui nous fait poser mille questions tout du long. Un prix à Cannes n’aurait pas été de refus, croyez-moi !