2017 serait-elle l’année où le Septième Art mettrait enfin ses personnages féminins à l’honneur ? Si la question est de plus en plus abordée dans des œuvres cinématographiques diverses et variées, c’est parce que celle-ci revient souvent dans les débats quotidiens. Là où, il y a trente ans, l’héroïne occupait souvent une position « passive », elle s’est peu à peu convertie en un être capable de prendre son destin en main, quitte à faire parfois les mauvais choix. Aujourd’hui, elle parvient même à reléguer les hommes au second plan et c’est ce que Nicolas Silhol nous démontre dans son excellent premier film, Corporate.
Dans Corporate, les femmes sont mises en avant dès le générique de début. On les présente comme étant ni faibles, ni fortes, sinon les deux à la fois. Émilie Tesson-Hansen (Céline Sallette) est ainsi un personnage antipathique, à qui on ne veut pas s’attacher tant elle est arriviste, manipulatrice et « sans âme ». Mais elle devient progressivement une femme vulnérable, qui veut à tout prix sauver sa peau pour ne pas « être la seule à devoir payer ». Elle va alors s’associer à l’inspectrice du travail (Violaine Fumeau). Là, on peut se dire : « Ok, l’Entreprise est aussi pourrie que l’Inspection du Travail… » Sauf que le film de Nicolas Silhol prend la direction contraire, ce qui est inattendu pour ma part.
Bon, vous allez certainement me dire qu’il s’agit d’un thriller social et que, donc, il ne peut en être autrement pour l’évolution de son héroïne antagoniste. De plus, on sait bien qu’une telle conclusion finale donnée dans cette fiction n’arrivera jamais dans la réalité (sauf exception rare). Corporate dénonce justement ce système récemment mis en place au sein des entreprises : le management par la terreur, dont Émilie est actrice et consciente tout en exécutant les ordres « d’en haut ». De toute manière, il y a deux possibilités : soit la personne en question est prête à tout pour sauver la réputation de sa boîte, soit elle se retourne contre sa direction. Dans les deux cas, la facilité scénaristique est de mise. Mais que ce soit cette fin ou l’autre, cette dernière est progressivement bien amenée, puisqu’elle est à l’image de l’évolution de cette femme « victime » : logique.
Ce que j’ai surtout apprécié dans ce film, c’est que les deux personnages féminins bénéficient d’une vraie écriture de fond. Tandis que les personnages masculins « subissent » de A à Z, sans forcément « relever » quoi que ce soit (y compris celui de Lambert Wilson qui, bien qu’il soit parmi les marionnettistes de l’Entreprise, finit par se faire avoir). Remarquez, si l’héroïne avait été un homme et vice-versa pour le supérieur hiérarchique, l’histoire et sa morale finale auraient été la même. En revanche, je maintiens l’idée véhiculée dans mon premier paragraphe : le fait que l’œuvre de Nicolas Silhol soit féministe. Car ses héroïnes savent se défendre, en dépit de ce qu’on leur fait subir. C’est d’ailleurs pour cela que j’applaudis haut et fort les jeux d’actrice respectifs de Céline Sallette et de Violaine Fumeau. Dans les rôles masculins secondaires, je retiens surtout Lambert Wilson, que je trouve excellent en tant qu’homme froid et insensible.
Il faut donc que vous fonciez voir Corporate de Nicolas Silhol. En effet, malgré son côté fictionnel parfois trop présent, il dépeint avec beaucoup de réalisme et de justesse un sujet tabou que beaucoup veulent taire, alors que c’est un débat qui fait de plus en plus de bruit. Et il faut également le voir pour son actrice vedette, Céline Sallette, qui est ici une véritable révélation sur grand écran – pour ma part, je ne la connaissais pas jusqu’à maintenant. Bref, Corporate est un grand thriller social à ne manquer sous aucun prétexte !