Il est souvent dur de ne pas être l’actrice/acteur d’un seul rôle, notamment après une saga comme Harry Potter. Emma Watson, elle, arrive peu à peu à se détacher d’Hermione Granger, qui lui colle encore à la peau malgré tout. Or de Simon Curtis à Darren Aronofsky, en passant par Sofia Coppola, elle est en train de se constituer une belle filmographie, tout en prenant des risques dans sa carrière bien jeune. Et dans Colonia, elle est là où on ne l’attend pas.
Car si on passe outre cette histoire d’Amour niaiseuse, aux répliques et à la mise en scène presque nauséabondes, qui semble être la base première du scénario, la suite du film m’aura finalement donné tort, à moitié du moins. La romance est là, mais elle est intelligemment développée via cette intrigue qui se déroule au sein de la fameuse Colonia Dignidad, qui donne son titre au film. C’est ainsi que le réalisateur Florian Gallenberger réussit à mélanger les genres de la romance, du drame et du thriller, pour un résultat aussi surprenant qu’inattendu.
Je dis inattendu, car je ne pensais pas qu’il serait question de fanatisme religieux extrême. Et là, je dois le dire : waouh ! L’histoire est tellement prenante et stressante qu’on a envie de savoir ce qui va arriver aux héros, en espérant qu’ils vont s’en sortir (même si on ne fait que douter de leur sort). Les hauts membres de cette Colonia sont particulièrement inquiétants et violents, car on ne peut pas prévoir leurs réactions à l’avance, bien qu’on craigne justement le pire. Michael Nyqvist et Richenda Carey jouent d’ailleurs très bien leurs rôles de méchants sans âme, qui sont aveuglés par leurs idéaux (le premier étant le plus effrayant des deux). Et que dire des membres du gouvernement chilien, qui sont aussi pourris que leurs collègues (dans le film) ?
Du côté des gentils, on a également là un casting très convaincant. Pourtant peu emballé par les deux acteurs principaux (Emma Watson et Daniel Brühl) durant le premier quart d’heure, ces derniers nous livrent des interprétations toutes en retenue et en finesse, rendant leurs personnages très attachants de ce fait. Mentions également à Vicky Krieps (Ursel) et Jeanne Werner (Dorothea), qui incarnent bien les fanatiques soumises par ces lois qui régissent cette secte aux sombres desseins.
Mais comme beaucoup de films européens de cette ampleur qui veulent suivre le modèle américain, celui-là a également ses limites. Notamment la mise en scène, qui est assez molle la plupart du temps (hormis durant la dernière demi-heure, où le tout se dynamise enfin). Cependant, le réalisateur réussit bien ce croisement entre film d’auteur et film historique de grande envergure. Le cinéma européen est donc peut-être ringard pour beaucoup, mais il aura toujours des beaux jours devant lui, c’est sûr et certain.
Colonia est ainsi ce genre de film qui mérite de faire son bout de chemin, en dépit du peu d’attention qu’on lui accorde. Pour ma part, ça m’a permis de prendre connaissance d’un pan de l’Histoire, dont j’ignorais totalement l’existence jusqu’à maintenant. Et pour une fois, on ne fait pas dans la surenchère émotionnelle, dieu merci ! C’est donc une histoire juste et réaliste jusqu’au bout.