C’est le film dont tout le monde parle en ce printemps 2024. Pas parce qu’il porte le même titre qu’un certain film Marvel, non — on parie que certains ont vraiment cru aller voir un spin-off de Captain America ? Mais pour son postulat de guerre civile imaginaire aux États-Unis, dans un futur proche (mais pas si éloigné de la réalité que ça). Et également pour son traitement pour le moins original : on suit les événements du point de vue de photojournalistes de guerre. De quoi vraiment susciter la curiosité et un bon bouche-à-oreille ?
Oui. Il faut d’ailleurs préciser que l’objectif premier du Civil War d’Alex Garland n’est pas d’expliquer les causes de la guerre (ni ses conséquences, même si on en a un aperçu). Le but est plutôt de montrer que de tels événements aussi graves et sanglants que celui-là ne se résument qu’à une course au plus gros scoop et au cliché d’or aux yeux des journalistes, de manière générale. J’y ai d’ailleurs ressenti un côté très malsain : les personnages se frottent au plus près du danger pour être les premiers à rafler la mise. J’y vois donc une critique intelligente (et intelligible) de la société voyeuriste actuelle, ainsi qu’un regard lucide sur la direction que notre monde contemporain prend.
Car même si on ne connaîtra pas les tenants et aboutissants de ce conflit, on en voit suffisamment pour comprendre ce qu’il se trame. On assiste à plusieurs scènes chocs, dont une particulièrement violente (et ô combien réaliste, malheureusement) qui marque un tournant décisif (mais nécessaire) pour nos protagonistes. Eux qui voient les pires horreurs du monde chaque jour font désormais face à leurs limites. L’acte final sera ainsi pour eux l’occasion de savoir si leurs traumatismes ont pris le dessus ou si leur engagement définit toujours ce pour quoi ils exercent ce métier.
C’est là que la mise en scène d’Alex Garland intervient, solidement appuyée par la photographie et le son. On vit cette guerre civile à travers les yeux de ces photojournalistes, donc on est plus proches de l’action. Ce qui ne veut pas dire que les scènes d’action sont floues : au contraire, elles sont très fluides et ne nous épargnent aucun détail. La photographie et le son viennent respectivement étoffer cette perspective : la première apporte un regard plus artistique à l’horreur ambiante (cf. les clichés en N&B de la jeune Jessie), tandis que le second vient renforcer notre présence aux côtés des héros.
Notons également la qualité de la bande originale, qui met l’accent sur le caractère dramatique des différentes péripéties que traversent et subissent les personnages. On en a un parfait exemple avec la magnifique séquence où on regarde sur le trajet, impuissant, un incendie de forêt, le morceau émouvant de Sturgill Simpson, Breakers Roar en fond sonore.
Ce qui me permet d’embrayer sur le dernier point, à savoir les protagonistes et leurs interprètes. Ce qui m’a surtout marqué, c’est la touchante relation « mère-fille » (ou « grande sœur-petite sœur ») qui s’instaure entre Lee (Kirsten Dunst, qui trouve là un rôle fort) et Jessie (Cailee Spaeny, une future étoile montante). Fait amusant : les deux ont été la muse à l’écran de Sofia Coppola. Ça renforce donc encore plus la relation symbolique qui se noue entre elles deux, la première passant le flambeau à la seconde dans les deux cas. Notons également l’excellente performance de Wagner Moura, en reporter beaucoup trop tête brûlée sur les bords, et celle de Jesse Plemons, en effroyable suprémaciste blanc.
Pour conclure, Alex Garland nous offre, une fois n’est pas coutume, un immense spectacle maîtrisé de bout en bout. Le réalisateur se réapproprie ainsi les genres du film de guerre et de la dystopie, tout en détournant le road trip sur grand écran. Civil War pourrait même être, selon moi, l’un des futurs grands favoris aux Oscars 2025. En tout cas, il mérite clairement des récompenses !
Et vous, avez-vous vu Civil War d’Alex Garland ? Si oui, qu’en avez-vous pensé ? Dites-le-moi donc en commentaire pour qu’on en discute.