Bonjour à toutes et à tous ! Je vous retrouve aujourd’hui pour la douzième édition des Ciné Express du blog ! Cette édition sera un peu spéciale, puisque j’y parlerai des films que j’ai vus dans le cadre du Prix France Culture Cinéma des étudiants 2019. En effet, je fais partie du jury cette année, mon rôle consistant à voter pour le long-métrage que j’ai préféré parmi les cinq sélectionnés à cette occasion. Mes critiques sont bien entendu facultatives et n’engagent que moi !
Les films au programme du jour sont :
- On ment toujours à ceux qu’on aime de Sandrine Dumas ;
- « Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares » de Radu Jude ;
- Les Estivants de Valeria Bruni Tedischi ;
- Sunset de László Nemes.
Vous pouvez également lire ici mon bref avis sur Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret, également sélectionné pour ce prix.
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On ment toujours à ceux qu’on aime
J’aurais aimé davantage apprécier ce road-trip. Il y a effectivement de jolis moments, entre les différents personnages comme visuels (cf. le passage sur Tainted Love). Mais le long-métrage de Sandrine Dumas est très convenu dans la forme comme dans le fond. Malgré les beaux paysages, la bande originale folk et le message véhiculé.
Qui dit très convenu, dit très prévisible. En même temps, ce n’est pas le but d’un film comme On ment toujours à ceux qu’on aime. Ça se veut léger et sans prise de tête. Il y a des passages qui font sourire, grâce à une réplique ou à une idée de mise en scène. On sent également une véritable complicité entre les quatre personnages, comme entre les différents duos qui se forment (la mère et le fils, par exemple). Même si leur psychologie manque de profondeur, je me suis attaché à eux. Mais ça s’arrête et c’est bien dommage.
Les acteurs jouent bien pour la plupart. Mona Chokri n’est pas le genre de comédienne qu’on voit souvent sur grand écran : son manque de glamour fait justement son charme et sa singularité. Or, elle est souvent en roue libre et ça m’a dérangé durant mon visionnage. Jérémie Elkaïm l’est aussi, mais moins qu’elle. Son naturel et son charme viennent d’ailleurs contrebalancer l’écriture maladroite de son personnage. Quant à Marthe Keller et Fionnula Flanagan, elles sont plus en retenue.
Sandrine Dumas nous offre donc là une comédie française qui est loin de ses grossières comparses, mais ne vaut pas mieux que ces dernières pour autant.
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« Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares »
On ne peut pas dire que l’œuvre de Radu Jude laisse le spectateur indifférent après son visionnage. C’est un film fort pour son aura et son message politiques. C’est un long-métrage qui a une visée éducative, en mettant en avant un pan de l’Histoire que la Roumanie passe sous silence. C’est l’histoire d’une metteuse en scène qui espère faire entendre sa vision au plus grand nombre, mais qui se heurte aux opinions contraires.
« Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares » est essentiellement porté par Ioana Iacob. Cette dernière se défend très bien dans son interprétation, même quand elle se laisse aller à l’improvisation. Malgré les longs « monologues » et les nombreux plans-séquences, elle donne bien la réplique aux autres acteurs et passe aisément d’un registre à un autre. Une vraie performance d’actrice, en somme.
Le film en lui-même m’a interpellé, bien que je n’y connaisse rien à sa thématique. Les dialogues sont pleins d’humour noir et de cynisme, et rendent le long-métrage drôle et divertissant. Néanmoins, il y a aussi beaucoup de longueurs, car les personnages débitent sans cesse leurs idées politiques et historiques, dont les références ne sont pas toujours claires. Certains passages sont également inutiles (comme ceux qui mettent en scène Mariana dans sa vie privée).
Le long-métrage de Rude Jude vaut donc surtout pour la performance de son actrice principale et son message véhiculé. Pas dit que tout le monde y trouve son compte, cependant.
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Les Estivants
Cela faisait longtemps que j’entendais parler de Valeria Bruni Tedeschi et que j’avais envie de découvrir sa filmographie. Je ne veux pas la juger sur un seul film et un seul rôle. Malgré tout le mal que je pense de ses Estivants, je pense qu’elle a du talent. De ce que j’ai vu ici, elle s’en tire bien en femme névrosée entourée de sa famille (elle-même) névrosée. Un personnage comme ça, ça va. Dix personnages, certainement pas !
Les Estivants est le genre de film que je déteste : la comédie dramatique où des bobos se contemplent le nombril, et où la classe inférieure se laisse moquer et marcher sur les pieds. Comme Noémie Lvosky (excellente), on a envie de fuir ces bourgeois cons comme leurs pieds, dont le comportement les rend détestables et les problèmes les rendent grotesques. Comme Yolande Moreau (excellente également), on a envie de leur en mettre sur la gueule. Même Laurent Stocker semble subir les tentatives pathétiques d’humour imposé par le scénario.
Pendant deux heures, ça se veut être égocentrique. Ça n’a pas d’autre but que de raconter l’éternelle insatisfaction humaine, à travers ces personnages qui sont forcés d’affronter leur « calvaire ». Ils y échappent grâce à des plans culs futiles ou à des conversations sans queue ni tête. J’ai ri avec les personnages durant la deuxième heure du film, c’est vrai. Mais le calvaire, c’est moi qui le vivais en regardant ce long-métrage qui ne raconte pas grand-chose.
Les Estivants, c’est le genre de film qui se termine au même point qu’il a commencé. En d’autres mots : sans but existant.
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Sunset
Quand film d’époque et historique rime avec thriller, ça donne Sunset de László Nemes. Un long-métrage qui surprend par son scénario haletant (mais décousu), moi qui m’attendais au postulat classique de la femme qui lutte pour récupérer ce qui lui revient de droit. Mais quand on lui apprend que son frère est un présumé meurtrier, on s’engage à ses côtés dans une enquête palpitante qui lève le voile sur les zones d’ombre de son passé.
Pour incarner le rôle principal, László Nemes a choisi la magnétique Juli Jakab. C’est elle qu’on voit du début à la fin et qu’on se plait à admirer. On la suit comme son ombre. On s’immerge dans sa quête de la vérité. On se heurte aux non-dits des uns et aux mensonges des autres. On veut toujours en savoir plus. Puis, comme elle, on finit par se perdre au fil de nos découvertes. Par ailleurs, on ne sait pas vraiment où le scénario veut parfois nous emmener : on voit Írisz être à un endroit et soudain, on la voit se diriger autre part. Quant à la fin, elle laisse perplexe et on ne sait pas vraiment quoi en conclure.
La force de Sunset réside également dans sa réalisation. László Nemes fait ainsi le choix judicieux de la caméra à l’épaule et de filmer son actrice principale de près (comme le faisait Darren Aronofsky avec Jennifer Lawrence dans Mother). L’époque durant laquelle se déroule film est très bien reconstituée, que ce soit les décors comme les costumes. Enfin, la performance d’actrice de Julia Jakubowska (dans le rôle de la comtesse) est à noter : en quelques scènes seulement, elle parvient à capter l’œil de la caméra et celui du spectateur.
Avec Sunset, László Nemes fait clairement partie de ces réalisateurs prometteurs à suivre, tant son style est empreint de singularité. La future carrière de Juli Jakab semble être tout aussi grande.