On ne l’attendait pas forcément pour cette année, mais Migraine Mylène Farmer aime bien créer la surprise, à défaut d’être créative. Car depuis …Avant Que l’Ombre, la fermière ne déchaîne plus tellement les foules (sauf ses brebis galeuses, mais c’est un cas à part ça). J’oserais même dire qu’elle a fini par nous lasser, à force de remixer incessamment ses vieux tubes des années 80 et 90. Bleu Noir n’échappe bien évidemment pas à la règle (le contraire nous aurait vraiment étonnés). Mais quand on écoute (inlassablement) ce huitième album, il y a un petit quelque chose d’agréable qui s’en dégage.
La grande surprise de cet opus, ce sont les collaborations. Alors qu’on s’attendait encore une fois au sempiternel duo Farmer/Boutonnat, voilà que la chanteuse nous surprend en faisant appel à Moby, au groupe Archive, et surtout (surtout !) au producteur US en vogue, Red One. Mais malgré ce gros changement, on sent bien que Laurent Boutonnat a eu son mot à dire pour ces douze nouveaux titres, tant ça reste très farmerien. Cependant, force est de constater que cette « reconversion » est assez réussite dans l’ensemble.
On commence avec le premier single, Oui mais non, produit par Red One. Au premier abord, le titre parait très cheap sur les bords, et ça ne s’arrange pas avec le clip (mention spéciale aux danseurs à la coiffe ridicule). Mais comme tout titre de Mylène Farmer, il s’apprivoise, même si ce n’est clairement pas son meilleur lead-single. L’autre production de Red One s’intitule Lonely Lisa, et tout comme Oui mais non, il faut du temps pour apprécier la chanson à sa juste valeur. Bien évidemment, on sait que le producteur américain a fait beaucoup mieux par le passé (ses collaborations avec Lady Gaga, essentiellement), mais on se contentera de ce qu’on a ici.
Ce sera tout pour les up-tempos. Car comme tout album de Farmer qui se respecte, l’ensemble se compose essentiellement de ballades. Et là, deuxième grosse surprise : elles ne sont pas mauvaises du tout ! Alors que celles d’…Avant Que l’Ombre et certaines de Point de Suture étaient déprimantes à souhait et soporifiques. Dans Bleu Noir, il y a du bon et du moins bon, seulement !
Les productions d’Archive sont toutes de qualité. Leïla est douce et apaisante, Light me up a ce côté sensuel dont seule Mylène a le secret (malgré l’accent anglais qui laisse un peu à désirer) et Diabolique mon ange est une ballade farmerienne tout ce qu’il y a de plus classique, même si très envoutante (et le côté rock du titre est assez plaisant pour ma part).
Celles de Moby ne sont pas en reste, bien au contraire ! Le DJ new-yorkais a su s’adapter à l’univers sombre et poétique de Farmer, en nous livrant par exemple un très beau Inseparables (version anglaise), où la chanteuse manie la langue de Shakespeare avec une habilité jusque-là non soupçonnée ! Au contraire, la version française du titre, bien que légèrement différente (un bon point), rappelle trop la Mylène soporifique et non inspirée des deux derniers albums. Moi je veux tire son inspiration, tout comme Appelle mon numéro, du célèbre Pourvu qu’elles soient douces (indémodable celui-là). Bleu noir et N’ais plus d’amertume, outre leurs belles paroles teintées d’espoir ou bien de mélancolie (« Je t’aime mélancolie… »), nous permettent de nous enivrer de la douce voix aigüe de Farmer. Quant à M’effondre, il s’agit d’une chanson assez sombre comme son titre l’indique et encore une fois, c’est très enivrant.
Mylène Farmer fait donc un retour gagnant avec ce huitième opus, en espérant que ce dernier ne passe pas inaperçu lors de sa sortie. On fera néanmoins abstraction de son horrible pochette.